Wrong

Origines:
  • France
  • États-Unis
Genre:
  • Comédie
Public: Tout public
Année de production: 2012
Date de sortie: 12/09/2012
Durée: 1h34
Synopsis : Dolph se réveille un matin réalisant que Paul, son chien, a disparu. En l'absence de Paul, sa vie a perdu tout son sens. A la recherche de Paul et en quête de son âme-soeur, Dolph changera la vie de beaucoup d'autres, mettant en péril leur perception de la réalité... et la vôtre.

Vidéodu film Wrong

Actualités du film Wrong

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Avis des internautesdu film Wrong

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  • 1
Publié le 8 octobre 2012
Avec Wrong Dupieux poursuit son œuvre sur l’aliénation en dessinant ici un monde absurde. S’il ne retrouve pas la fraicheur de Steak, il en conserve la même obsession d’une dislocation affective des êtres les plus fragiles, toujours manipulés par une figure dominante et névrosée (ici W.Fichner plutôt drôle). Mais dans tout cela guette un certain académisme comme ce fut le cas pour les frères Cohen début des années 2000. En témoigne une impression de déjà vue avec les bureaux sous la pluie par exemple. Heureusement émergent de très belles idées qui maintiennent une tonalité comique notamment tous ces mystérieux rappels de rendez-vous qui surprennent à chaque fois.

Publié le 26 septembre 2012
Et si la grande affaire de Dupieux c'était l'arnaque, la fumisterie, le hold-up hipster à grands coups de chemises à carreaux et de déstructuration capillaire? Ce serait fichtrement pratique pour lui, ça expliquerait beaucoup pour nous : les albums bâclés, inaboutis de Mr Oizo, où les idées sont accolées sauvagement sans souci de structure (de Moustache à Stade 2), les fins en queue de poisson, les films qui démarrent très fort puis s’essoufflent dans leur conceptualisme envahissant (Nonfilm, Rubber) mais surtout leur séduction immédiate à tous, insolente et d'une bizarrerie qui n'est pas une façade, mais bien le fond de sa personnalité (leur sujet, pas leur objet), d'où leur capacité d'embrayage rapide dans une fiction bricolée et leur manœuvre chaloupée dans le brocardage du portnawak le plus rationalisé qui soit. Dupieux a trouvé son territoire dans la banlieue californienne moyenne, baignée d'une lumière blanche un peu aveuglante, et mine de rien, sa critique sociale est plutôt profonde et riche en détails qu'elle n'en a l'air (ne fut-ce que grâce aux propriétés techniques de la caméra prototype HD-Koi utilisée). Le loufoque est-il véritablement logé dans ce bureau où il pleut toute la journée, dans ce réveil qui indique 7h60 chaque jour (les gags sont volontairement répétés jusqu'à l'épuisement, c'est-à-dire très exactement trois fois), ou plutôt dans ce bureau de détective situé dans l'arrière-salle d'une pharmacie (une des meilleures idées, très discrète), dans ce dialogue avec un voisin vexé à l'idée qu'on connaisse sa passion du jogging, mais exige qu'on lui parle à bonne distance ? Le réalisateur a aussi trouvé un tempo propre, plutôt lent, reposé sur quelques figures de styles simple (le panoramique de recadrage haut-bas, ou droite-gauche, le léger zoom avant dans les plans de coupes et inserts) magistralement rendu dans sa séquence de générique (un pompier défèque sur la chaussée tandis qu'une fourgonnette se consume) dont la fonction est inverse : si l'un dilue le gag dans sa «Weltanschauung» (à la Tati somme toute), rendant son absurdité locale à une absurdité totalisante, non plus périphérique mais généralisée (humour absurde : toujours métonymique), l'autre le resserre autour d'un suspense sans objet, d'une tragédie toujours à venir, mais toujours-déjà-passée. Wrong est un film amusant et facile à psychanalyser (vite fait, niveau « de comptoir » s'entend...), comme bon nombre de chefs-d’œuvre de l'absurde et du non-sens (pêle-mêle Duck Soup des Marx Brothers, Never Give a Sucker An Even Break de W.C.Fields, And Now For Something Completely Different des Monty Python, Le Roi de l'Evasion de Guiraudie). Le héros comme le personnage moyen de ce monde est un célibataire (Dolph mais aussi son voisin joggeur, le jardinier français) et happé par une standardiste de pizzeria vaguement nymphomane... mais surtout très dépendante et maternelle (un prototype de maman-putain horripilante), pour laquelle le réalisateur élude les scènes de sexe avec une pruderie digne du Code Hays. Lorsque Victor (Eric Judor) se réveille dans le lit à côté d'elle, il a comme un mouvement d'effroi et ne pense qu'à fuir au plus vite la chambre. Elle le retient, veut déménager chez lui. En un seul rapport, elle est tombée enceinte. Dans la scène où elle cherche un prénom à leur futur enfant, elle se maintient à bonne distance à la porte du jardin tandis que l'autre plante un sapin. Lorsqu'elle est trop proche de lui et que leur corps manquent vraiment de se toucher, il lui enfonce un tesson de bouteille dans le ventre dans ce qui est le seul geste de violence d'un film très fier de son principe de rétention (mais aussi de son ruban moebiusien qui déroule la fin dans un cycle onirique assez creux). Dupieux semble développer une peur sinon un dégoût à la simple idée de deux corps qui se touchent (ce que montre déjà plus tôt la scène où Dolph et son voisin discutent, et que celui-ci le fait se rapprocher de plus en plus de lui, sous prétexte d'une meilleure communication). Si l'on ajoute à ça une véritable vision d'horreur au milieu du film (on propose à Dolph d'adopter provisoirement un autre chien qui se révèle être... un petit garçon à lunettes!), on obtient une vision angoissée de la paternité pas très éloignée d'Eraserhead (la connectique lynchienne est probablement là plutôt que dans un vague rapport d'«inquiétante étrangeté » freudienne). Dupieux convoque bien malgré lui tout un imaginaire de la peur de castration que le cinéma classique a largement relayé au siècle dernier ; il est curieux et roboratif de voir que c'est ce cinéma qui pose et se pose comme violemment contemporain soit en réalité celui qui puise le plus dans un passé cinématographique des archaïsmes de représentations issus des années 30 & 40. La constante de Dupieux, une appétence pour une forme d'ataxie burlesque des corps (un monde où tout le monde est apraxique), fonctionne à plein. Ce n'est plus la caméra qui tombe, fait des hoquets, cherche à se stabiliser dans des angles improbables (Nonfilm), ce sont les corps qui sont trop (a)droits, se tiennent à bonne distance (on téléphone à celui qui est en face de nous, pour mieux le tenir loin de soi). Principe d'incertitude, logique de séduction (séduction: l'art de se rapprocher de l'autre). Dupieux écrit des films au conditionnel, où le réel a plus d'importance et de pouvoir de fléchissement sur la fiction qu'on ne peut le croire, et c'est suffisamment rare et remarquable que pour aimer Wrong.
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