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Vu à Cannes : "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Publié le 18 mai 2013 dans Actu ciné

Longtemps habitué de la Quinzaine des Réalisateurs, avec ses méditations visuelles surréalistes et burlesques, Pas de repos pour les braves (2003) ou Le Roi de l'évasion (2009), Alain Guiraudie monte d'un cran en étant sélectionné à Un Certain Regard avec L'Inconnu du Lac.

L'été, au bord d'un lac. Un des rivages est un lieu de drague et d'hédonisme naturiste pour les homosexuels en villégiature. Guiraudie assume sans fard ni détour son contexte : yeux sensibles, s'abstenir. Le(s) sexe(s) s'affiche(nt) crument à l'écran. Fort heureusement, Guiraudie n'est pas là pour choquer le bourgeois qui marche pour tous (encore qu'il doit s'amuser d'avance de l'émoi que son film pourrait susciter), mais bien pour raconter une histoire.


Celle de Franck (Pierre Deladonchamps) qui en pince pour le très viril Michel (Christophe Paou), qui a tout de la bête de sexe. Las ! Franck a beau le chercher entre deux séances de baignade dans le bois où se nouent les ébats d'un après-midi, Michel lui échappe toujours avec un autre amant. Pour tromper sa déception, Franck lie alors amitié avec Henri (Patrick D'Assumcao), un bi enveloppé qui traîne à distance des dragueurs, en quête simplement d'un peu de compassion verbale après avoir été plaqué par son amie.


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D'après-midi en après-midi, Guiraudie installe un climat drôle verbalement et vaguement oppressant sexuellement. Jusqu'à ce qu'un soir, Franck ayant traîné jusqu'à la tombée de la nuit est témoin d'une scène étrange au milieu du lac. Le lendemain, on apprend que le corps d'un des naturistes a été retrouvé. Noyade ? Meurtre ? La romance contrariée vire alors au thriller policier, mais toujours sur un mode légèrement décalé – renforcé notamment par Jérôme Chappatte en inspecteur Columbo de service.


Les amours gay sont filmées explicitement, mais de l'art Guiraudie ne fait pas du cochon: le réalisateur a toujours le sens de la belle image (avec l'aide de la chef opératrice Claire Mathon, qui avait oeuvré l'année dernière sur Les Trois Mondes, vu également à Cannes), de la composition et d'un tempo tout en langueur hypnotisante. Sa musique n'appartient qu'à lui, jusqu'à des dialogues parfois un peu ampoulés dans ce contexte, ou les mille bruissements qui rythment une journée estivale en pleine nature – en ce compris les sons parasites d'avion ou de voiture.


Derrière son beau et sensuel naturalisme romanesque, Alain Guiraudie offre, mine de rien, une réflexion sur le sexe libre, devenu parfois sexe triste, où l'on est seul tout en étant ensemble et où l'autre peut devenir menace – que celle-ci soit métaphorique ou réellement physique. Film homo, certes, mais pas ghetto ; film d'auteur mais sans hauteur ; huis clos en plein soleil où les amours contrariées virent au thriller.


Alain Lorfèvre, à Cannes


Réalisation et scénario : Alain Guiraudie. Avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou, Patrick D'Assumcao,... 1h37

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